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DOUZE ANS DE SÉJOUR

tions ; son marché hebdomadaire, le plus important de l’Éthiopie, y attire des caravanes de toutes les parties de l’intérieur ; aussi, avions-nous désiré d’en faire le point central de nos entreprises. En entrant en ville, nous nous fîmes conduire à la maison d’un des quatre Likaontes ou grands juges impériaux, nommé Atskou, qui passait pour aimer les étrangers et surtout les Européens.

Le Lik Atskou, qui parlait un peu l’arabe, vint nous accueillir sur le seuil de sa maison. C’était un homme d’environ soixante-dix ans, grand, d’une belle prestance, ayant le teint très-foncé et une physionomie douce et intelligente ; il insista pour nous défrayer, nous et notre monde ; et ce fut à grande peine que nous obtînmes le troisième jour de vivre désormais du nôtre. Mais il ne voulut jamais consentir à nous laisser chercher un logement ailleurs.

— Vous venez de bien loin, mes pauvres enfants ; nous dit-il, et les hommes de notre ville sont si rapaces à l’égard des étrangers ! C’est à moi de vous garder tant que vous resterez à Gondar.

Nous chargeâmes le soldat d’Oubié d’un message de remercîment pour son maître, et nous le congédiâmes en lui donnant, selon l’usage, une mule et quelques talari.

Durant notre séjour forcé dans la plaine d’Igr-Zabo, nous avions eu tout le loisir de réfléchir ; l’expérience modifiait déjà nos opinions préconçues ; la première effervescence commençait à s’apaiser, et notre voyage nous apparut sous des faces nouvelles. De Moussawa à Gondar, nous avions minutieusement relevé le pays à la boussole, mais les attractions magnétiques causées par la nature ferrugineuse