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DOUZE ANS DE SÉJOUR

affamés. Mais on se rassura en me reconnaissant, et je regagnai sans incident mon ancienne demeure, où j’avais vécu en moine et où je rentrais en soldat.

Le bon Lik Atskou me reçut avec effusion, mais, après m’avoir considéré, il hocha tristement la tête en disant :

— Mon fils, tu as bien fait parler de toi depuis que tu m’as quitté. On ne réfléchit guère à cheval. As-tu assez songé aux conséquences de ta conduite ? Tes deux princes ont reçu de leurs ancêtres une lourde dette à acquitter devant Dieu et devant les hommes ; n’as-tu pas craint d’en devenir solidaire, toi qui es sans racine dans notre pays et de passage seulement ? Car tu ne peux avoir renoncé à ta patrie, terre de vérité, de justice et de science. Un fait futile en apparence se présente à nous autres, vieillards, avec toutes ses conséquences ; aussi suis-je peiné des changements que je vois dans ton costume : ta poitrine n’est plus recouverte d’une tunique, tu te contentes de notre toge, tes jambes sont nues, tu marches sans chaussure, tu n’as plus dans le vêtement cette retenue qui te distinguait de nous, tu as quitté pour le nôtre le costume de tes pères. Ce changement m’en fait craindre bien d’autres dans tes idées. Prends garde, mon fils, en te détournant des traditions qui ont étayé ta première jeunesse, de nuire à ton âge mûr.

Je m’efforçai de rassurer mon austère et bienveillant conseiller ; mais sa défiance était en éveil ; mes protestations ne parurent l’apaiser qu’à demi.

Le lendemain, il me conduisit à son église de prédilection pour remercier Dieu, disait-il, de mon heureux retour.

La forme des églises en Éthiopie est presque tou-