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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

quittant Maïe-Tahalo j’engageai Ezzeraïe à répudier toute solidarité avec moi en restant pour faire sa cour et tâcher de regagner pour son père la faveur du Dedjazmatch.

— Suis-je donc un autre qu’Ezzeraïe, dit-il, pour vous abandonner dans une passe étroite ? Je ne vous quitte pas. Si la maison de mon père n’a d’autre soutien que le caprice d’un maître comme Oubié, elle est bien mal assise. Allons !

Et prenant son bouclier, il me suivit, assumant ainsi une complicité qu’il aggravait en quittant le camp du Dadjazmatch, sans lui faire hommage et sans prendre congé.

Après quelques minutes de marche nous nous arrêtâmes derrière un pli de terrain qui nous cachait Maïe-Tahalo, pour respirer un peu et permettre à nos gens de se rajuster et de répartir convenablement entre eux les quelques objets qu’ils avaient emportés précipitamment et un peu au hasard. Le sentier que nous suivions courait sur le versant nord de la chaîne élevée du Samèn. Devant nous se déployait un paysage d’une grandeur incomparable. Nous nous trouvions dans une atmosphère fraîche, humide ; nous étions entourés d’une verdure luxuriante, et les dernières gouttes de rosée tombaient des arbres. Bien loin à nos pieds, le Tillamté, le Waldoubba, le Wolkaïte, une partie du Tagadé, tous pays kouallas, se présentaient à nous avec leur aspect tourmenté, leurs plaines desséchées et les flancs précipitueux de leurs étroits deugas blanchissant sous un soleil qui n’avait pour nous que des rayons tempérés. À l’Est les vastes plaines de la province tegraïenne du Chiré, et en deçà l’immense fissure béante au fond de laquelle court