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DOUZE ANS DE SÉJOUR

ses États les missionnaires et les trois ou quatre autres Européens qui s’y trouvaient. Laissant mon frère à Moussawa, je m’étais rendu à Adwa avec le père Sapeto, et, en me présentant devant le Dedjadj Oubié, malgré ces circonstances si contraires et malgré tous les avis, j’avais été assez heureux pour trouver grâce et obtenir que le père Sapeto pût s’établir à Adwa et mon frère entrer dans le pays.

Jusque-là mon ignorance même des intérêts qui s’agitaient autour de moi m’avait procuré une réussite inexplicable aux yeux de ceux qui étaient le mieux informés, et avait fait supposer aux missionnaires protestants que le père Sapeto, mon frère et moi, nous devions être des agents du gouvernement français, et que nous n’étions point étrangers à leur expulsion.

Après cette première chance si heureuse, je redescendis vers la côte pour y prendre mon frère, et au retour, à deux journées de route d’Adwa, nous fûmes arrêtés, comme on l’a vu, par le Blata Guébraïe. Mais cet incident qui remit en question notre voyage, puisque le Blata n’allait à rien moins qu’à nous dépouiller entièrement, servit au contraire à en assurer l’exécution. En effet, la façon inespérée dont je pus m’échapper de nuit des mains de ce chef, pour aller me mettre sous la protection du Dedjadj Oubié, acheva de me gagner la faveur du Dedjazmatch.

D’après les mœurs féodales du pays, je devenais ainsi le client du Dedjadj Oubié, presque son homme, et je lui donnais le droit de réclamer, comme sien, tout ce qui était à moi. Les paysans de Maïe-Ouraïe, qui retenaient encore mon frère le comprirent, et, sitôt ma fuite, ils l’encouragèrent à se rendre avec un de nos trois fusils de rempart chez le Dedjadj Kassa, Polémarque du pays, suzerain du Blata Guébraïe leur