Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/85

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
77
DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

Sahala Dinguil. Le Lik Atskou salua comme s’il se fût présenté devant le plus magnifique des Rois, et l’on nous fit asseoir par terre, sur un lambeau de natte.

Sahala Dinguil, vieillard d’environ soixante-dix ans, avait le teint coloré et presque aussi clair que celui d’un Européen, la chevelure crépue et blanche comme la neige, le front haut, uni, l’œil vif, la figure pleine et imberbe ; toute sa personne un peu vulgaire était empreinte d’une jovialité sensuelle. Il trônait en toute sérénité sur un bois de lit indien, portant encore les restes d’une riche marqueterie en ivoire et en nacre ; un tapis turc, râpé et trop étroit, laissait à découvert une partie des fonçailles. Quatre petits pages en haillons, un eunuque difforme et deux vieillards se tenaient immobiles et les yeux baissés de chaque côté du pauvre trône.

On me demanda quelque remède panchymagogue, quelque panacée infaillible, pour la femme de Sa Majesté, la mère de son héritier, son âme, sa vie, ajouta-t-on ; mais on me décrivit la maladie en termes tellement discrets et vagues, que je dis que je ne prescrirais qu’après avoir vu la malade. Là-dessus, on se consulta d’un air mystérieux, et je fus confié à l’eunuque, qui m’introduisit seul dans le harem impérial. Il est de ces mots pleins d’enchantements pour un jeune homme et pleins de désillusions aussi. Je trouvai, couchée à côté d’un brasier ébréché, en terre cuite, une femme d’un âge mûr, d’une corpulence formidable et d’une figure commune ; son genre de maladie était à l’avenant : l’excès de nourriture l’avait réduite où elle en était. J’assurai à l’Empereur qu’elle guérirait sous peu, à condition d’observer un régime sévère.

En regagnant notre logis, le Lik Atskou s’égaya