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L’Art de se


S I Dieu avoit été ennemi de l’homme, il auroit attaché de la douleur à tous les objets auxquels il luy a plu d’attacher du plaisir ; l’un luy étoit aussi facile que l’autre ; & alors l’homme auroit été ennemy de soy-même, au lieu qu’il s’ayme naturellement.

Car il faut par un enchainement essentiel des choses, que celuy, qui sent de la douleur, la haïsse & si cette douleur est constante & inseparable, qu’il haïsse son être propre, sachant bien que le sentiment de cette douleur ne seroit point sans son existence. Ainsi il n’est rien de si aisé que de concevoir que les esprits condamnés se haïssent dans le lieu de leur supplice, & que si l’amour propre dans ce monde a été la source de leur corruption, la haine d’eux mêmes devient en suite l’instrument de leur supplice. On conçoit encore que l’on ne peut sentir le plaisir sans aymer ce plaisir qu’on sent, & sans souhaiter la conservation de ce soy-même qui en est le sujet. Le plaisir fait qu’on ayme son existence ; parce que sans cette existence, ce plaisir ne sauroit subsister. De