Page:Abelard Heloise Cousin - Lettres I.djvu/133

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Quiconque veut devenir un membre de l’Éternel dit avec le Psalmiste ; « Je chanterai, Seigneur, votre miséricorde et votre justice. » — « La miséricorde, est-il écrit, fait monter le plateau de la justice. » — Il se souvient de cette menace de l’Écriture : « Justice sans miséricorde contre celui qui ne fait point miséricorde. »

Pénétré du sens de cette maxime, le Psalmiste, à la prière de l’épouse de Nabal, cassa, par miséricorde, le serment qu’il avait fait, dans un sentiment de justice, d’anéantir Nabal et toute sa maison. Il préféra donc la prière à la punition ; et le crime du mari fut effacé par les supplications de l’épouse.

Que ceci vous soit un exemple, ma sœur, et un gage de sécurité : si la prière de cette femme eut tant d’empire sur un homme, voyez ce que pourrait la vôtre pour moi auprès de Dieu. Dieu, qui est notre père, aime ses enfants plus que David ne faisait cette femme suppliante. David, il est vrai, passait pour un homme pieux et miséricordieux ; mais Dieu est là piété et la miséricorde même. Et cette femme suppliante appartenait au siècle, au monde profane ; elle ne s’était pas donnée à Dieu par les vœux d’une sainte profession. Que si ce n’était pas assez de vous pour être exaucée, cette sainte communauté de vierges et de veuves qui vit avec vous obtiendra ce que par vous seule vous ne pouviez obtenir. Car le Dieu de vérité a dit à ses disciples : « Quand deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux ; » et ailleurs : « Si deux de vous s’accordent entièrement sur ce qu’ils me demandent, mon Père les exaucera. » Qui pourrait donc méconnaître ce que vaut auprès de Dieu la prière réitérée d’une sainte congrégation ? Si, comme le dit l’Apôtre, « la prière assidue d’un juste est puissante, » que ne peut-on attendre des prières réunies d’une sainte congrégation ?

Vous avez vu, très-chère sœur, dans la trente-huitième homélie de saint Grégoire, quelle assistance la prière d’une communauté de frères, apporta à un frère qui refusait cette assistance ou qui du moins ne s’y prêtait pas. Il se croyait à l’extrémité. À quelle terreur, à quelles angoisses sa malheureuse âme était en proie ! avec quel désespoir et quel dégoût de la vie il détournait ses frères de prier pour lui ! Le détail de ce précieux récit n’a pas échappé à votre sagesse. Puisse cet exemple vous engager avec plus d’assurance, vous et vos saintes sœurs, dans les voies de la prière, afin que je vous sois conservé vivant par celui dont la grâce, au témoignage de saint Paul, accorda à des femmes la résurrection de leurs morts !

En effet, vous n’avez qu’à parcourir l’Ancien et le Nouveau Testament ; vous trouverez que les plus grands miracles de résurrection ont été accomplis presque exclusivement ou particulièrement sous les yeux des femmes, et pour elles ou sur elles. L’Ancien Testament fait mention de deux morts ressuscites à la prière d’une mère : l’un par Élie, et l’autre par son disciple Élisée. D’autre part, l’Évangile contient l’histoire de la résurrection de trois morts accomplie par le Seigneur, et qui, ayant trait à des femmes, confirme