Page:Abelard Heloise Cousin - Lettres I.djvu/255

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cration des vierges, d’autant plus précieuse qu’elle est plus rare, est réservée pour les allégresses des grandes solennités.


L’Église entière tressaille de joie pour célébrer la vertu admirable des vierges, ainsi que le Psalmiste l’avait prédit en ces termes : « Des vierges seront amenées au Roi ; » et ensuite : « Elles lui seront présentées avec des transports de joie et d’allégresse ; elles seront amenées dans le temple du Roi. » On croit même que c’est l’apôtre et évangéliste saint Matthieu qui a composé on dicté le rituel de cette consécration, ainsi qu’on le lit dans les actes du martyre qu’il subit pour la défense de la virginité religieuse. Au contraire, sur la consécration des clercs et des moines, les Apôtres ne nous ont laissé aucune règle écrite.

C’est aussi du nom de la sainteté que les religieuses ont reçu leur nom, puisque c’est du mot sanctimonia, c’est-à-dire sainteté, qu’elles ont été appelées sanctimoniales ou saintes moinesses. En effet, le sexe des femmes étant plus faible, leur vertu est d’autant plus agréable à Dieu, d’autant plus parfaite, ainsi qu’en témoigne le Seigneur lui-même, en exhortant l’Apôtre à combattre pour la couronne. « Ma grâce vous suffit, dit-il ; car c’est dans la faiblesse que la vertu arrive à sa perfection. »

C’est ainsi encore qu’en parlant, par la bouche du même Apôtre, des membres de son corps, c’est-à-dire de l’Église, il lui fait dire, dans cette même Épître aux Corinthiens, comme s’il voulait recommander les égards pour les membres les plus faibles : « Les membres de notre corps qui nous paraissent les plus faibles sont les plus nécessaires, et ceux que nous regardons comme les moins nobles sont précisément ceux pour lesquels nous avons le plus de ménagements ; les parties les moins honnêtes sont les plus honnêtement traitées ; celles qui sont honnêtes n’ont besoin de rien. Dieu a disposé le corps de telle sorte, qu’on ait le plus d’égards pour les membres les plus faibles, et qu’il n’y ait point de schisme dans le corps, mais que les membres conspirent mutuellement à s’aider les uns les autres. » Peut-on dire que la grâce divine ait dispensé ses trésors à qui que ce soit aussi largement qu’au sexe le plus faible, que le péché originel autant que sa nature avait rendu méprisable ? Examinez-en les divers états, considérez non-seulement les vierges, les veuves, les femmes mariées, mais encore celles qui vivent dans les abominations du libertinage, et vous trouverez en elles les plus larges dons de la grâce divine ; en sorte que, selon la parole de Jésus-Christ et de l’Apôtre : « les derniers sont les premiers, et les premiers les derniers, et que là où il y a eu abondance de péché, il y a surabondance de grâce. »

VI. Que si nous reprenons à l’origine du monde l’histoire des dons de la grâce divine chez les femmes et des égards dont elles ont été l’objet, nous verrons que sa création lui a constitué certains avantages de supériorité. Elle a été créée dans le Paradis, tandis que l’homme a été créé hors du Paradis ;