Page:Abelard Heloise Cousin - Lettres I.djvu/95

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tions, le consolateur de toutes les tribulations ; » et aussi selon ce que dit la Vérité : « Il vous donnera un autre consolateur. » Qu’est-ce qui empêche, puisque toute église est également consacrée au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, et qu’elle est la possession indivise des trois, qu’est-ce qui empêche de dédier la maison du Seigneur au Père ou au Saint-Esprit, aussi bien qu’au Fils ? Qui oserait effacer du frout du vestibule le nom de celui à qui appartient la demeure ? Ou bien encore, puisque le Fils s’est offert en holocauste au Père, et qu’en conséquence, dans la célébration des messes, c’est spécialement au Père que s’adressent les prières et pour lui que se fait le sacrifice, pourquoi l’autel n’appartiendrait-il pas plus particulièrement à celui auquel se rapportent plus particulièrement la prière et le sacrifice ? N’est-il pas plus juste de dire que l’autel appartient à celui auquel on immole, qu’à celui qui est immolé ? Quelqu’un oserait-il prétendre que c’est plutôt l’autel de la croix de Jésus, ou de son sépulcre, ou de saint Michel, ou de saint Jean, ou de quelque autre saint, qui ne sont ni les victimes, ni les objets des sacrifices et des prières ? Chez les idolâtres eux-mêmes, les autels et les temples n’étaient jamais placés que sous l’invocation de ceux qui étaient l’objet des sacrifices et des hommages.

Peut-être dira-t-on qu’il ne faut dédier au Père ni les églises ni les autels, parce qu’il n’existe aucun fait qui puisse justifier une solennité spéciale en son honneur. Mais ce raisonnement, qui ne va à rien moins qu’à enlever le même privilège à la Trinité, n’enlève rien au Saint-Esprit, dont la venue constitue une fête qui lui est spéciale, la solennité de la Pentecôte, de même que la venue du Fils lui assure en propre la fête de la Nativité. En effet, l’Esprit-Saint, qui a été envoyé aux disciples de Jésus-Christ, comme le Fils a été envoyé au monde, peut revendiquer sa fête à lui. Il semble même qu’il y aurait plus de raisons de lui vouer un temple qu’à aucune autre personne de la Sainte-Trinité, pour peu que l’on regarde à l’autorité apostolique et à l’œuvre du Saint-Esprit lui même. Effectivement, l’Apôtre n’assigne de temps particulier à aucune autre personne qu’au Saint-Esprit. Il ne dit pas, en effet, le temple du Père, le temple du Fils, comme il dit le temple du Saint-Esprit, dans la première aux Corinthiens : « Celui qui s’attache au Seigneur n’est qu’un seul esprit avec lui ; » et plus loin : « Ne savez-vous pas que vos corps sont le temple de l’Esprit Saint qui est eu vous, que vous avez reçu de Dieu, et qui ne vient point de vous ? » De plus, qui pourrait méconnaître que les bienfaits des sacrements divins conférés par l’Église sont spécialement dus à l’opération de la grâce divine, c’est-à-dire du Saint-Esprit ? C’est par l’eau et le Saint-Esprit, en effet, que nous renaissons dans le baptême, et que dès lors, nous devenons un temple spécial pour le Seigneur. Pour achever ce temple, l’Esprit-Saint nous est communiqué sous la forme de sept dons, et les effets de la grâce en sont les ornements et la dédicace. Qu’y a-t-il donc d’étonnant que nous attribuions un temple corporel à celui auquel l’Apôtre attribue spécialement un temple spirituel ? À