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QUESTIONS D’HÉLOlSE ET RÉPONSES D’ABÉLARD. 489

l’âme en entrant dans la bouche. Avant qu’il n’y entrât, la résolution avait commis la faute. Peu importe, pour le péché, ce que la bouche reçoit. Ce qui importe, c’est ce que nous avons résolu de prendre.

VINGT-CINQUIÈME QUESTION d’hÉLOÏSE.

Que signifie le passage de saint Mathieu où, Remportant contre certaines villes, le Seigneur dit : « Malheur à toi, Corozatn, malheur à toi, Bethsaïde ! si Tyr et Sidon avaient vu les miracles que vous voyez s’accomplir parmi vous, elles auraient fait pénitence sous le cilice et dans la cendre. » Le Seigneur était venu sauver les hommes : d’où son nom de Jésus et de Sau- veur. Pourquoi donc enleva-t-il à Tyr et à Sidon, villes %de Gentils, les miracles de la grâce qui pouvait les sauver, tandis qu’il les manifesta à ceux à qui il savait qu’elle devait être plutôt nuisible qu’utile ? Mais, direz-vous, c’est qu’ainsi qu’il le déclare lui-même, il n’était envoyé qu’aux brebis de la maison d’Israël. Je réponds : Pourquoi, si ce n’est pour les sauver ? et si c’était pour les sauver, à quoi servit-il qu’on les traitât de façon à les rendre plus coupables, en telle sorte qu’ils parussent non point des pé- cheurs repentants, mais des pécheurs endurcis ? Pourquoi le Seigneur ajoute-t-il : « Je vous le dis en vérité, il sera plus remis à Tyr et à Sidon qu’à vous, au jour du jugement ? » Knfin, saint Jean rapporte que plus d’un Samaritain crut à sa parole et qu’il manifesta même à des Gentils, tant hommes que femmes, les grâces de ses miracles qui leur iuspirèreut la foi ou qui les y affermirent ; tels le fils du centurion et la fille de la Tyrienne Syrophœnissa.

Réponse (TAbélard.

En réalité, c’est aux Juifs seuls que le Seigneur fut personnellement en- voyé. Ce que, dans sa bonté, il fit aux Gentils, il ne le fit pas par une né- cessité de sa mission, mais il l’ajouta à sa dette par un effet de sa grâce ; fidèle observateur de ce qu’il dit lui-même : « Lorsque vous aurez fait tout ce qui vous est ordonné, dites : nous sommes des serviteurs inutiles ; ce que nous devions faire, nous l’avons fait. » C’est comme s’il disait clairement : ne considérez pas comme une chose grande de satisfaire à la dette de l’obéis- sance, si vous n’ajoutez au payement de cette dette quelque surérogation volontaire, ainsi que font ceux qui observent la virginité et la conti- nence, bien que ce ne soient pas des vertus comprises dans les termes de la Loi. Enfin, il est venu manifester ces bienfaits aux Gentils, moins comme envoyé de Dieu que comme invité et pressé par leur prière à le faire.

Quant à ce point, qu’il a privé des avantages de la prédication ceux qui, selon qu’il le déclare, auraient été amenés ainsi à la pénitence, il n’en res- sort nullement qu’ils auraient persévéré dans la pénitence au point d’être