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LETTRES D’ABÊLARD ET D*HÉLOlSE.

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Quant aux vêtements, on évitera par-dessus tout les vêtements de prix, qui sont absolument condamnés par l’Évangile. Le Seigneur lui-même nous en détourne, en condamnant l’orgueil du mauvais riche, et en exaltant l’humilité de Jean. C’est ce qu’explique saint Grégoire dans sa quatrième Homélie sur les Évangiles. « Pourquoi, dit-il, se sert-il de ces paroles : « Les gens qui sont délicatement vêtus dans les maisons des rois, » si ce n’est pour démontrer clairement que ceux-là combattent pour le royaume de la terre, non pour le royaume des cieux, qui refusent de souffrir pour Dieu, et qui, adonnés tout entiers aux biens extérieurs, ne cherchent que les douceurs et les délices de la vie présente ? Et le même, dans sa onzième Homélie : « Il en est qui pensent que le goût des vêtements délicats et de grand prix n’est pas un péché. Si ce n’était pas une faute, la parole du Sei- gneur n’indiquerait pas aussi expressément que le riche qui souffrait les tortures de l’enfer était couvert de lin et de pourpre. On ne recherche des vêtements de luxe que pour la satisfaction d’une vaine gloire, que dans l’idée de s’attirer plus d’hommages. Ce qui le prouve, c’est qu’on ne se revêt pas d’habits de prix, là où l’on ne peut être vu du monde. »

Saint Pierre détourne également de cet abus les femmes séculières et ma* riées dans sa première Épitre : « Que les femmes soient soumises à leurs maris, en telle sorte que si les maris ne croient pas à la parole des femmes, ils soient gagnés par les exemples de leur commerce, et envisagent avec crainte ce que leur impose la pureté de ce commerce. Point de tresses de cheveux postiches, point de ceintures d’or, point de robes somptueuses ; qu’elles s’attachent à parer l’homme qui est au fond de leur cœur par l’in- corruptibilité d’un esprit calme et modeste, ce qui est le plus riche des vête- ments devant Dieu. » C’est avec raison qu’il a cru devoir détourner de cette vanité les femmes plutôt que les hommes, parce que leur esprit faible les y pousse d’autant plus que la luxure a plus de prise sur elles. Or si les femmes qui vivent dans le monde doivent être arrêtées sur cette pente, que convient-il de faire à l’égard des femmes vouées à Dieu, elles dont le véri- table ornement est de n’en avoir pas ? Pour elles, rechercher ces ajuste- ments ou ne pas les rejeter si on les leur offre, c’est perdre leur réputation de chasteté ; c’est se préparer moins à la religion qu’à la fornication ; c’est se mettre au rang, non des religieuses, mais des courtisanes. Pour elles la parure est comme l’insigne du libertinage, elle trahit la corruption de l’âme, ainsi qu’il est écrit : i L’habillement) le rire, la marche, révèlent l’homme. »

Nous voyons que le Seigneur a loué et exalté dans Jean-Baptiste la gros- sièreté des vêtements plutôt que l’austérité des aliments. « Qu’éles-vous allé voir, dit-il, dans le désert ? un homme vêtu d’habits délicats ? » Par* fois, en effet, la recherche dans les aliments peut avoir quelque utilité, mais dans les vêtements, jamais. Plus les vêtements Sont précieux, plus on les conserve. Moins ils servent, plus Us coûtent à celui qui les a achetés.