Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/73

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des femmes, qui ont de l’esprit et de la politesse, ne pas savoir bien prononcer ce qu’elles lisent ; elles manquent encore plus grossièrement pour l’orthographe…, il faudrait qu’une fille sût la grammaire non par règles, comme les écoliers apprennent le latin en classe ; mais accoutumez-la à ne prendre point un temps pour un autre et à se servir de termes propres. »

L’arithmétique ne doit pas consister seulement dans la connaissance des quatre règles, mais en des exercices pratiques qui iront parfois jusqu’à une très simple comptabilité ; l’épouse devant tenir en mains la caisse familiale, on habituera la jeune fille à faire des comptes.

Voilà les éléments premiers de toute science féminine. Dans le même temps où on les leur inculquera, viendra la formation morale qui consistera surtout à garantir la jeune fille des défauts propres à son sexe : superstition, pusillanimité, mollesse, dissimulation et surtout cette vanité que la constitution actuelle de la société a rendue pour ainsi dire nécessaire aux femmes. « Celles-ci, en effet, les chemins de la gloire leur étant fermés, se dédommagent par les agréments de l’esprit et du corps » et exercent la royauté de la mode, faute d’une autre.

La femme que rêve Fénelon, pieuse sans superstition et sans excès, décemment voire élégamment habillée, sans coquetterie, maîtresse d’elle-même et de ses passions, commandant à ses nerfs, sera éminemment raisonnable ; elle offrira un parfait exemple d’harmonie et de mesure.

Une formation morale aussi parfaite suppose évidemment des connaissances autrement développées que celles de la lecture, de l’écriture et des éléments de l’arithmétique.

Fénelon, en effet, n’en disconvient pas, et, fidèle aux points de vue qu’il a tout d’abord énumérés, trace un programme très vaste d’éducation féminine. La nécessité d’instruire les enfants obligera, ceci est de toute évidence, la mère de famille sinon certes à avoir approfondi toutes les sciences, du moins à en posséder les éléments premiers et avec eux d’importantes notions de pédagogie.

Sur ce point d’ailleurs, Fénelon insiste peu, pensant sans doute, et avec raison, que celle qui aura acquis les connaissances lui permettant d’être une maîtresse de maison parfaite et une épouse à l’esprit orné sera en état par là-même de remplir en toute connaissance de cause son rôle d’éducatrice. C’est en effet l’aspect pratique de l’éducation féminine que Fénelon envisage avec une insistance toute particulière. Les connaissances pratiques sont les plus nécessaires à la femme et jusqu’ici les plus négligées. Maîtresse de