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SAMM-LAOU LE POUILLEUX


Il y avait cohue autour de l’église de Saint-Herbot que le géant Gelvre décapita au retour d’une de ses randonnées. Le soleil riait aux pèlerins accourus, ce jour de pardon, au sanctuaire, blotti dans la verdure ruisselante de clarté et pleine de merles fous.

Assis en tailleur sur une marche de l’imposant escalier de pierre, Samm-laou, le pouilleux, grattait sa vermine ; ce qui était chez lui, un indice de grande perplexité. L’attitude du gaillard était justifiée par des événements importants qui venaient de révolutionner le peuple des gueux, confrérie de mendiants, infirmes vrais ou simulés, mais tous loqueteux.

En effet, les affaires allaient mal. En vérité, elles n’allaient plus du tout. Les aumônes se faisaient rares. Non pas que la charité eût faibli, ou que le cœur des hommes se fût glacé, mais Samm-laou voyait avec appréhension augmenter le nombre des simulateurs qui, en somme, ne faisaient que l’imiter. Voilà justement ce qui situait leur culpabilité et motivait, de la part de notre confrère, d’amers reproches et des imprécations contre le ciel et la terre.

Et, comme en ces moments de gaîté, on a l’âme attendrie, Samm-laou poussa, pour conclure et clore des réflexions fielleuses, un énorme juron que le bon curé de La Feuillée reçut en passant, en pleine poitrine.

— Mil malloz Doué !…