Page:About - ABC du travailleur, 1868.djvu/272

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espèce pour supposer que les premiers hommes n’ont eu qu’à s’installer dans des domaines productifs. La terre brute n’est pas un capital, pas plus que les animaux sauvages ou féroces qui l’habitent. Il a fallu des siècles de travail pour défricher, assainir et mettre en rapport les champs qui valent aujourd’hui deux ou trois mille francs l’hectare, et qui valaient moins que rien au début ; il a fallu surtout des prodiges de courage pour exproprier les hôtes qui possédaient notre pays avant nous. C’était l’ours, l’hyène et le lion des cavernes, l’éléphant primigenius et le rhinocéros tichorinus. Le géologue retrouve les os de ces monstres entassés pêle-mêle avec ceux de nos pauvres ancêtres, ces premiers occupants qu’on nous représente comme les enfants gâtés du capital et les sybarites de la propriété foncière.

Il est vrai que durant une longue suite de siècles la force brutale a souvent installé le vainqueur à la place du vaincu. Les terres, les maisons, les troupeaux, l’or et l’argent ont été pris et repris cent fois pour une. Le caprice des rois, la faveur des grands, les intrigues, les fraudes, les confiscations ont ravi plus d’un capital à son honnête créateur pour le livrer à d’autres. Mais les biens mal acquis ne font que traverser les mains du scélérat ; ils reviennent promptement à la masse,