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un monde inconnu. Depuis qu’il est en position de mettre la main, comme tant d’autres, aux affaires publiques, il constate que là encore il lui faut tout apprendre, sous peine de tomber sous le ridicule. Bref, ce riche redevient plus pauvre qu’il n’a jamais été ; car, aux besoins matériels qu’il n’a plus, succède toute une légion de besoins intellectuels et moraux, également impérieux et despotiques, et bien plus difficiles à satisfaire. Lui aussi, il connaîtra les heures de découragement, et il dira plus d’une fois en jetant son livre : Si du moins j’étais sûr que mon fils sera moins âne que moi !

L’interminable série de nos besoins qui naissent l’un de l’autre avec une intensité toujours croissante nous condamne à cheminer de progrès en progrès vers un but élevé que l’humanité ne doit jamais atteindre. Car le jour où nous n’aurions plus rien à perfectionner autour de nous ni en nous, nous ne serions plus des hommes, mais des dieux.

Il faut se l’avouer à soi-même et surtout ne s’en pas désoler : la vie terrestre est une course sans repos ni trêve à la poursuite de l’impossible. Mais, à mesure que nous allons, nous voyons croître sous nos pas cette somme de biens utiles qui compose le patrimoine de l’humanité.