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que le vieux cœur humain tiraillé en tous sens par le sentiment, l’intérêt et le devoir.

En approchant de cette pauvre Schlitte (c’est ainsi que nous appelions la maison entre nous) j’éprouve exactement la même émotion que si j’allais revoir, après une longue absence, un ami mortellement malade. La joie de le retrouver pour un moment est empoisonnée par la certitude de le perdre bientôt pour toujours.

Un gazon court et dru commence à poindre dans notre petit chemin des noyers, où la circulation était si active autrefois. Voici l’ancien bâtiment de la serre où l’on a fait des chambres d’amis, que les amis n’ont pas eu le temps d’habiter. Il y avait là une enseigne, une magnifique enseigne de fer forgé, découverte à Bouxviller par Charles Marchal, le joyeux peintre. L’archéologue Dagobert Fischer a publié toute une dissertation, dans un journal franco-allemand, sur cette vénérable ferraille. Elle portait les armes de la principauté de Hanau, enrichie par mes soins d’une devise nouvelle : Amicis. En effet, cette enseigne indiquait l’auberge de nos amis. On l’a rentrée dès les premiers jours de l’invasion, parce que les Prussiens la prenaient trop au sérieux et venaient demander à boire. Une inscription d’un tout autre style décore la grille de bois : Verbotener Eingang : Entrée défendue… aux vainqueurs.