Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/339

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LE PREMIER FAGOT DE L’HIVER.

Le vent a soufflé, sifflé, hurlé toute la nuit : un vent à décorner non-seulement les bœufs, mais les montagnes elles-mêmes. Nos chiens ont aboyé à perdre haleine, comme pour annoncer l’approche d’un ennemi. En effet, l’ennemi est aux portes : voici l’hiver. Hier, quand le soleil s’est caché derrière notre étroit horizon, à trois heures après midi, la forêt était encore plus verte que jaune. Ce matin elle est rousse, et le sommet des hêtres s’est dégarni. Les feuilles voltigent par milliers, par millions, dans le ciel brumeux ; nos pièces d’eau, nettes comme un miroir, se rident et se tachent. Là-bas, vers la petite ville, la rivière, si pauvre en septembre, déborde déjà sur les prés. L’herbe a verdi ; ce n’est pas pour longtemps. Cette troisième jeunesse des prés a-t-elle un avenir de huit jours devant elle ? Le reste de la campagne a vieilli subitement ; le jardin, le verger, les peupliers qui