Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/50

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monde laissent leurs diamants dans l’écrin au mois de mai. Les jeunes gens étaient fort empressés ; ils n’avaient pas cet air fourbu qu’on remarque chez eux à la fin du carnaval : la sève remonte dans les cœurs comme dans les arbres, et le printemps luit pour tout le monde. Je ruminais en moi ce joli vers de Musset :

Toute femme aujourd’hui doit désirer qu’on l’aime !

Et je pensais que réciproquement tout homme devait être en disposition d’aimer. Vous savez la réflexion de Frédéric II, par une belle nuit d’hiver, bien étoilée : « Voilà, dit-il, un temps qui donnera beaucoup de soldats à la Prusse. » Moi, je disais en aspirant les parfums du jardin par les fenêtres ouvertes : « Ces jolis bals de printemps doivent donner beaucoup de ménages à la France. »

Tous les invités, ou peu s’en faut, restèrent jusqu’au matin, et l’appétit des soupeurs dépassa les prévisions du maître d’hôtel. Il fallut diviser le public en trois fournées ; je crois même qu’on alla réveiller Tortoni et le café Anglais pour obtenir un supplément de vivres. J’étais de la dernière série, avec Léon S… et huit ou dix danseurs intrépides qui donnèrent un fameux coup de dent. Quant à moi, vous savez, j’ai l’estomac campagnard, même à Paris. Que je veille ou que je dorme, mon appétit se couche à huit heures et le canon des Invalides