Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/115

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Mais on le laissait dire. La plus féroce de toutes les passions, la curiosité, poussait la foule en avant ; chacun voulait voir au risque d’écraser les autres. M. Nibor tomba, M. Renault et son fils, en essayant de le secourir, furent abattus sur son corps ; Mme Renault fut renversée à son tour aux genoux du colonel et se mit à crier du haut de sa tête.

« Sacrebleu ! dit Fougas en se dressant comme par ressort, ces gredins-là vont nous étouffer, si on ne les assomme ! »

Son attitude, l’éclat de ses yeux, et surtout le prestige du merveilleux, firent un vide autour de lui. On aurait dit que les murs s’étaient éloignés, ou que les spectateurs étaient rentrés les uns dans les autres.

« Hors d’ici tous ! » s’écria Fougas, de sa plus belle voix de commandement.

Un concert de cris, d’explications, de raisonnements, s’élève autour de lui ; il croit entendre des menaces, il saisit la première chaise qui se trouve à sa portée, la brandit comme une arme, il pousse, frappe, culbute les bourgeois, les soldats, les fonctionnaires, les savants, les amis, les curieux, le commissaire de police, et verse ce torrent humain dans la rue avec un fracas épouvantable. Cela fait, il referme la porte au verrou, revient au laboratoire, voit trois hommes debout auprès de Mme Renault,