Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/119

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à six pieds sous terre. C’est moi qui vous ai sauvé la vie, après vous avoir acheté de mon argent, lorsque vous n’étiez pas coté plus de vingt-cinq louis. C’est moi qui ai passé trois jours et deux nuits à fourrer du charbon sous votre chaudière. C’est mon père qui vous a donné les vêtements que vous avez sur le corps ; vous êtes chez nous, buvez le petit verre d’eau-de-vie que Gothon vous apporte ; mais pour Dieu ! quittez l’habitude de m’appeler clampin, d’appeler ma mère la mère, et de jeter nos amis dans la rue en les traitant de pandours ! »

Le colonel, tout ahuri, tendit la main à Léon, à M. Renault et au docteur, baisa galamment la main de Mme Renault, avala d’un trait un verre à vin de Bordeaux rempli d’eau-de-vie jusqu’au bord, et dit d’une voix émue :

« Vertueux habitants, oubliez les écarts d’une âme vive mais généreuse. Dompter mes passions sera désormais ma loi. Après avoir vaincu tous les peuples de l’univers, il est beau de se vaincre soi-même. »

Cela dit, il livra son oreille à M. Nibor, qui acheva le pansement.

« Mais, dit-il, en recueillant ses souvenirs, on ne m’a donc pas fusillé ?

— Non.

— Et je n’ai pas été gelé dans la tour ?

— Pas tout à fait.