Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/122

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cueillant les débris du miroir, que la jolie chanson de la reine Hortense était devenue un air national et même officiel, que la musique des régiments, avait substitué cette aimable mélodie à la farouche Marseillaise, et que nos soldats, chose étrange ! ne s’en battaient pas plus mal. Mais déjà le colonel avait ouvert la fenêtre et criait au Savoyard :

« Eh ! l’ami ! Un napoléon pour toi si tu me dis en quelle année je respire ! »

L’artiste se mit à danser le plus légèrement qu’il put, en secouant son moulin à musique.

« Avance à l’ordre ! cria le colonel. Et laisse en repos ta satanée machine !

— Un petit chou, mon bon mouchu !

— Ce n’est pas un sou que je te donnerai, mais un napoléon, si tu me dis en quelle année nous sommes !

— Que ch’est drôle, hi ! hi ! hi !

— Et si tu ne me le dis pas plus vite que ça, je te couperai les oreilles ! »

Le Savoyard s’enfuit, mais il revint tout de suite, comme s’il avait médité au trot la maxime : Qui ne risque rien, n’a rien.

« Mouchu ! dit-il d’une voix pateline, nous chommes en mil huit chent chinquante-neuf.

— Bon ! » cria Fougas. Il chercha de l’argent dans ses poches et n’y trouva rien. Léon vit son embarras, et jeta vingt francs dans la cour. Avant de re-