Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/132

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j’ai l’honneur de commander, vous révérait hier comme un ancêtre. À dater de ce jour, il vous chérira comme un ami. » Pas la moindre allusion à la scène du matin, où M. Rollon avait été foulé aussi bien que les autres.

Fougas répondit convenablement, mais avec une nuance de froideur : « Mon cher camarade, dit-il, je vous remercie de vos bons sentiments. Il est singulier que le destin me mette en présence de mon successeur, le jour même où je rouvre les yeux à la lumière ; car enfin je ne suis ni mort ni général, je n’ai pas permuté, on ne m’a pas mis à la retraite, et pourtant je vois un autre officier, plus digne sans doute, à la tête de mon beau 23e. Mais si vous avez pour devise « Honneur et courage, » comme j’en suis d’ailleurs persuadé, je n’ai pas le droit de me plaindre et le régiment est en bonnes mains. »

Le dîner était servi. Mme Renault prit le bras de Fougas. Elle le fit asseoir à sa droite et M. Nibor à sa gauche. Le colonel et le maire prirent leurs places aux côtés de M. Renault ; les autres convives au hasard et sans étiquette.

Fougas engloutit le potage et les entrées, reprenant de tous les plats et buvant en proportion. Un appétit de l’autre monde ! « Estimable amphitryon, dit-il à M. Renault, ne vous effrayez pas de me voir tomber sur les vivres. J’ai toujours mangé de même ; excepté dans la retraite de Russie. Considé-