Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/14

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delet et bien pris. Ses grands yeux bleus, sa voix douce et sa barbe soyeuse indiquaient une nature plus délicate que puissante. Un cou très-blanc, très-rond et presque féminin, tranchait singulièrement avec son visage roussi par le hâle. Ses dents étaient belles, très-mignonnes, un peu rentrantes, nullement aiguës. Lorsqu’il ôta ses gants, il découvrit deux petites mains carrées, assez fermes, assez douces, ni chaudes, ni froides, ni sèches ni humides, mais agréables au toucher et soignées dans la perfection.

Tel qu’il était, son père et sa mère ne l’auraient pas échangé contre l’Apollon du Belvédère. On l’embrassa, Dieu sait ! en l’accablant de mille questions auxquelles il oubliait de répondre. Quelques vieux amis de la maison, un médecin, un architecte, un notaire étaient accourus à la gare avec les bons parents : chacun d’eux eut son tour, chacun lui donna l’accolade, chacun lui demanda s’il se portait bien, s’il avait fait bon voyage ? Il écouta patiemment et même avec joie cette mélodie banale dont les paroles ne signifiaient pas grand’chose, mais dont la musique allait au cœur, parce qu’elle venait du cœur.

On était là depuis un bon quart d’heure, et le train avait repris sa course en sifflant, et les omnibus des divers hôtels s’étaient lancés l’un après l’autre au grand trot dans l’avenue qui conduit à