Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/170

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

invité, par un sentiment de haute convenance, les officiers supérieurs du régiment de cuirassiers.

Fougas, plus ivre à lui tout seul qu’un bataillon de Suisses, distribua force poignées de main. Mais à travers le nuage qui voilait son esprit, il reconnut la figure et le nom de M. du Marnet, et fit la grimace. Entre officiers et surtout entre officiers d’armes différentes, la politesse est un peu excessive, l’étiquette un peu sévère, l’amour-propre un peu susceptible. M. du Marnet, qui était un homme du meilleur monde, comprit à l’attitude de M. Fougas qu’il ne se trouvait pas en présence d’un ami.

Le punch apparut, flamboya, s’éteignit dans sa force, et se répandit à grandes cuillerées dans une soixantaine de verres. Fougas trinqua avec tout le monde, excepté avec M. du Marnet. La conversation, qui était variée et bruyante, souleva imprudemment une question de métier. Un commandant de cuirassiers demanda à Fougas s’il avait vu cette admirable charge de Bordesoulle qui précipita les Autrichiens dans la vallée de Plauen. Fougas avait connu personnellement le général Bordesoulle et vu de ses yeux la belle manœuvre de grosse cavalerie qui décida la victoire de Dresde. Mais il crut être désagréable à M. du Marnet en affectant un air d’ignorance ou d’indifférence.

De notre temps, dit-il, la cavalerie servait sur-