Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/202

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lui eussent conservé la vie. Cette réciprocité de dévouement avait formé entre eux des liens si étroits qu’une séparation de quarante-six années ne put les rompre.

Fougas, seul au milieu d’un grand salon, se replongeait dans les souvenirs de ce bon vieux temps, lorsqu’un huissier l’invita à ôter ses gants et à passer dans le cabinet de l’Empereur.

Le respect des pouvoirs établis, qui est le fond même de ma nature, ne me permet pas de mettre en scène des personnages augustes. Mais la correspondance de Fougas appartient à l’histoire contemporaine, et voici la lettre qu’il écrivit à Clémentine en rentrant à son hôtel :


À Paris, que dis-je ? au ciel ! le 21 août 1859.


Mon bel ange,


Je suis ivre de joie, de reconnaissance et d’admiration. Je l’ai vu, je lui ai parlé ; il m’a tendu la main, il m’a fait asseoir. C’est un grand prince ; il sera le maître de la terre ! Il m’a donné la médaille de Sainte-Hélène et la croix d’officier. C’est le petit Leblanc, un vieil ami et un noble cœur, qui m’a conduit là-bas ; aussi est-il maréchal de France et duc du nouvel empire ! Pour l’avancement, il n’y faut pas songer encore : prisonnier de guerre en