Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/219

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dans sa tasse comme un dauphin dans le Bosphore.

Un homme passa devant lui sans le heurter, sans lui rien dire, sans le voir. Et pourtant la tasse sauta dans les mains du riche Nicolas Meiser, le vermicelle s’appliqua sur son gilet et sa chemise, où il forma un lacet élégant qui rappelait l’architecture de la porte Saint-Martin. Quelques fils jaunâtres, détachés de la masse, pendaient en stalactites aux boutons de la redingote. Le vermicelle s’arrêta à la surface, mais le bouillon pénétra beaucoup plus loin. Il était chaud à faire plaisir ; un œuf qu’on y eût laissé dix minutes aurait été un œuf dur. Fatal bouillon, qui se répandit non-seulement dans les poches, mais dans les replis les plus secrets de l’homme lui-même ! La cloche du départ sonna, le garçon du buffet réclama douze sous, et Meiser remonta en voiture, précédé d’un plastron de vermicelle et suivi d’un petit filet de bouillon qui ruisselait le long des mollets.

Tout cela, parce qu’il avait vu ou cru voir la terrible figure du colonel Fougas mangeant des sandwiches !

Oh ! que le voyage lui parut long ! Comme il lui tardait de se voir chez lui, entre sa femme Catherine et sa servante Berbel, toutes les portes bien closes ! Les deux voisins riaient à ventre déboutonné ; on riait dans le compartiment de droite et le compartiment de gauche. À mesure qu’il arrachait le vermi-