Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/259

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rait-ce, grands dieux ! si je les condamnais à porter le deuil de leur fils ? »

Cette plainte ponctuée de soupirs et de larmes déchirait le cœur de Clémentine. La pauvre enfant pleurait aussi car elle aimait Léon de toute son âme, mais elle s’était interdit de le lui dire. Plus d’une fois, en le voyant à demi pâmé devant elle, elle fut tentée de lui jeter les bras autour du cou, mais le souvenir de Fougas paralysait tous les mouvements de sa tendresse.

« Mon pauvre ami, lui disait-elle, vous me jugez bien mal si vous me croyez insensible à vos maux. Je vous connais, Léon, et cela depuis mon enfance. Je sais tout ce qu’il y a en vous de loyauté, de délicatesse, de nobles et de précieuses vertus. Depuis le temps où vous me portiez dans vos bras vers les pauvres et vous me mettiez un sou dans la main pour m’apprendre à faire l’aumône, je n’ai jamais entendu parler de bienfaisance sans penser aussitôt à vous. Lorsque vous avez battu un garçon deux fois plus grand que vous, qui m’avait pris ma poupée, j’ai senti que le courage était beau, et qu’une femme était heureuse de pouvoir s’appuyer sur un homme de cœur. Tout ce que je vous ai vu faire depuis ce temps-là n’a pu que redoubler mon estime et ma sympathie. Croyez que ce n’est ni par méchanceté ni par ingratitude que je vous fais souffrir aujourd’hui. Hélas ! je ne m’appartiens plus je suis do-