Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/262

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comme l’aigle à son aire. J’ai longtemps parcouru le monde à la poursuite d’un rang, d’un or et d’une famille que je brûlais de mettre à tes pieds. La fortune m’a obéi en esclave : elle sait à quelle école j’ai appris l’art de la maîtriser. J’ai traversé Paris et l’Allemagne, comme un météore victorieux que son étoile conduit. On m’a vu de toutes parts traiter d’égal à égal avec les puissances et faire retentir la trompette de la vérité sous les lambris des rois. J’ai mis pied sur gorge à l’avide cupidité et je lui ai repris, du moins en partie, les trésors qu’elle avait dérobés à l’honneur trop confiant. Un seul bien m’est refusé : ce fils que j’espérais revoir échappe aux yeux de lynx de l’amour paternel. Je n’ai pas retrouvé non plus l’antique objet de mes premières tendresses, mais qu’importe ? Rien ne me manquera, si tu me tiens lieu de tout. Qu’attendons-nous encore ? Es-tu sourde à la voix du bonheur qui t’appelle ? Transportons-nous dans l’asile des lois ; tu me suivras ensuite aux pieds des autels ; un prêtre consacrera nos nœuds, et nous traverserons la vie, appuyés l’un sur l’autre, moi semblable au chêne qui soutient la faiblesse, toi pareille au lierre élégant qui orne l’emblème de la vigueur ! »

Clémentine resta quelque temps sans répondre, et comme étourdie par la rhétorique bruyante du colonel. « Monsieur Fougas, lui dit-elle, je vous ai toujours obéi, je promets encore de vous obéir