Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/284

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— Ah çà, Fougas, pas de bêtises ! Il n’y a rien de désespéré que diable ! J’irai demain chez l’Empereur ; on verra, on cherchera ; des hommes comme toi, la France n’en a pas à la douzaine pour les jeter au linge sale.

— Merci. Tu es un bon, un vieux, un vrai ! Nous étions cinq cent mille dans ton genre, en 1812 ; il n’en reste plus que deux, ou pour mieux dire un et demi. »

Vers dix heures du soir, M. Rollon, M. du Marnet et Fougas reconduisirent le maréchal au chemin de fer. Fougas embrassa son camarade et lui promit d’être sage. Le train parti, les trois colonels revinrent à pied jusqu’à la ville. En passant devant la maison de M. Rollon, Fougas dit à son successeur :

« Vous n’êtes guère hospitalier aujourd’hui ; vous ne nous offrez pas un petit verre de cette fine eau-de-vie d’Andaye !

— Je pensais que vous n’étiez pas en train de boire, dit M. Rollon. Vous n’avez rien pris dans votre café, ni après. Mais montons !

— La soif m’est revenue au grand air.

— C’est bon signe. »

Il trinqua mélancoliquement et mouilla à peine ses lèvres dans son verre. Mais il s’arrêta quelque temps auprès du drapeau, mania la hampe, développa la soie, compta les trous que les balles et les