Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/43

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répandit en excuses et en bonnes paroles, et fit tout ce qu’il put pour consoler cette douleur inexplicable. Clémentine séchait ses larmes, puis repartait de plus belle, et sanglotait à fendre l’âme, sans savoir pourquoi.

« Animal que je suis ! murmurait Léon en s’arrachant les cheveux. Le jour où je la revois après trois ans d’absence, je n’imagine rien de plus spirituel que de lui montrer des momies ? Il lança un coup de pied dans le triple coffre du colonel en disant : Je voudrais que ce maudit colonel fût au diable !

— Non ! s’écria Clémentine avec un redoublement de violence et d’éclat. Ne le maudissez pas, monsieur Léon ! Il a tant souffert ! Ah ! pauvre ! pauvre malheureux homme ! »

Mlle Sambucco était un peu honteuse. Elle excusait sa nièce et protestait que jamais, depuis sa plus tendre enfance, elle n’avait laissé voir un tel excès de sensibilité. M. et Mme Renault qui l’avaient vue grandir, le docteur Martout qui remplissait auprès d’elle la sinécure de médecin, l’architecte, le notaire, en un mot, toutes les personnes présentes étaient plongées dans une véritable stupéfaction. Clémentine n’était pas une sensitive : ce n’était pas même une pensionnaire romanesque. Sa jeunesse n’avait pas été nourrie d’Anne Ratdcliffe ; elle ne croyait pas aux reve-