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Quelques gazettes de Paris annoncèrent ce grand événement dans leurs faits divers, mais le public y prêta peu d’attention. La rentrée solennelle de l’armée d’Italie occupait exclusivement tous les esprits, et d’ailleurs les Français n’accordent plus qu’une foi médiocre aux miracles promis par les journaux.

Mais à Fontainebleau ce fut une tout autre affaire. Non-seulement M. Martout et MM. Renault, mais M. Audret l’architecte, M. Bonnivet le notaire, et dix autres gros bonnets de la ville avaient vu et touché la momie du colonel. Ils en avaient parlé à leurs amis, ils l’avaient décrit de leur mieux, ils avaient raconté son histoire. Deux ou trois copies du testament de M. Meiser circulaient de main en main. La question des réviviscences était à l’ordre du jour ; on la discutait autour du bassin des Carpes, comme en pleine Académie des sciences. Vous auriez entendu parler des rotifères et des tardigrades jusque sur la place du Marché !

Il convient de déclarer que les résurrectionnistes n’étaient pas en majorité. Quelques professeurs du collége, notés par leur esprit paradoxal, quelques amis du merveilleux, atteints et convaincus d’avoir fait tourner les tables, enfin une demi-douzaine de ces grognards à moustache blanche qui croient que la mort de Napoléon Ier est une calomnie répandue par les Anglais, composaient le gros de l’armée.