Page:About - La Question romaine.djvu/44

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qu’on s’éloigne de la source. Il y a des abîmes sans fond entre le noble romain et le bourgeois de Rome, entre le bourgeois de Rome et le plébéien de la ville. Le plébéien lui-même, chargé du mépris des deux classes supérieures, en laisse retomber quelque chose sur les paysans qu’il rencontre au marché : c’est une cascade. À Rome, grâce aux traditions de l’histoire et à l’éducation donnée par les papes, l’inférieur croit sortir de son néant et devenir quelque chose en quêtant la faveur et l’appui d’un supérieur. Un système de patronage et de clientèle agenouille le plébéien devant un homme de la classe moyenne, qui s’agenouille devant un prince, qui s’agenouille à son tour et plus bas que tous les autres, devant le clergé souverain. À vingt lieues de la ville, on ne s’agenouille plus guère ; au delà des Apennins, plus du tout. Si vous allez jusqu’à Bologne, vous admirerez dans les mœurs une égalité toute française : c’est qu’en effet Napoléon a passé par là.

La valeur absolue des hommes de chaque catégorie va croissant dans le même ordre, suivant le carré des distances. Vous pouvez être à peu près sûr qu’un noble romain est moins instruit, moins capable et moins libre qu’un gentilhomme des Marches ou de la Romagne. La classe moyenne, à part quelques exceptions dont je vous parlerai bientôt, est infiniment plus nombreuse, plus riche et plus éclairée à l’est des Apennins que dans la capitale et aux environs. Les plébéiens eux-mêmes ont plus d’honnêteté et de moralité, lorsqu’ils vivent à une distance respectueuse du Vatican.