Page:About - Le Fellah, souvenirs d'Egypte, 1883.djvu/26

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— Les mueddins ou muezzins.

— Quel bois ?

— La fiente séchée au soleiL Mais pardon !… n’est-ce pas vous, madame, qui m’avez fait l’honneur de demander si j’étais sans nouvelles de la maison ? Il n’est que trop vrai par malheur. J’ai écrit plus de vingt fois à mes parents, et j’attends encore une réponse. Mon père ne sait ni lire ni écrire, il a cela de commun avec presque tous les paysans de son âge. Quant à la pauvre bonne femme, si elle n’était pas ignorante de toutes choses, elle serait à peu près la seule dans le pays. J’ai compté qu’ils s’adresseraient à quelque voisin, par exemple au maître d’école de la mosquée où j’ai reçu l’instruction primaire ; mais peut-être ont-ils quitté notre village, soit de gré, soit par ordre. Le fellah n’aime point à voyager, mais on le déplace quelquefois, et alors comment une lettre le trouverait-elle ?

— Mais c’est donc vrai ce que les voyageurs ont raconté de ce despotisme effroyable ? Un homme peut être pris, arraché de sa famille, transporté à cent lieues de sa maison dans des régions inconnues, sans que ni les prières ni les réclamations…


Ahmed interrompit la tirade par un geste doux et triste, mais qui ne manquait pas d’une certaine fierté.

— La volonté de Son Altesse, dit-il, est une loi pour les sujets fidèles ; mais vous qui plaignez notre sort et méprisez notre résignation, vous souffrez qu’un maître absolu vous arrache vos fils dès leur vingtième année : l’État vous exproprie de vos en-