Page:About - Rome contemporaine.djvu/29

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assez malpropre mais toujours pleine : la vogue est là. J’y ai vu la première représentation d’un drame inédit de M. Alexandre Dumas : les Gardes forestiers. La pièce était improvisée, mais on y sentait en plus d’un endroit la griffe du maître. Le public se montra indécis jusqu’à la fin du troisième acte ; il ne disait ni oui, ni non. Il était flatté de savoir qu’un homme de talent et de réputation était venu de Paris tout exprès pour lui servir des primeurs, mais sa vanité ombrageuse ne voulait pas être dupe en acceptant du rebut. Deux ou trois scènes excellentes le rassurèrent pleinement et lui prouvèrent jusqu’à l’évidence qu’on ne se moquait pas de lui. Alors commença un trépignement de joie, une furie d’admiration qui n’était pas encore apaisée, trois heures après la chute du rideau. Le nom de l’auteur fut proclamé au milieu d’une pluie de bouquets ; l’Athénée ouvrier lança sur la scène une couronne de papier doré, aussi grande que l’anneau de Saturne ; le régisseur apporta sur un coussin de velours une couronne d’argent massif ; l’auteur, traîné devant la rampe, essuya une bordée d’acclamations qui le fit presque tomber à la renverse. Il s’enfuit à son hôtel ; toute la salle le suivit. Un concert d’instruments s’organisa sous les fenêtres. Bon gré mal gré, il fallut paraître au balcon, descendre dans la rue, écouter des harangues, parler au peuple, embrasser la foule : la ville ne se coucha pas avant trois heures du matin. Voilà les Marseillais, quand ils s’y mettent. Le lendemain, la pièce ne fit pas d’argent. Les Marseillais avaient fait leurs réflexions et ils pensaient que, tout bien considéré, le drame qui les avait fait trembler, pleurer et rire, était écrit trop facilement. Cependant l’affiche du Gymnase portait en grosses lettres : les