Page:About - Rome contemporaine.djvu/53

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Un Bavarois qui habite Rome me racontait ces jours passés l’anecdote suivante. Je la transcris dans son entier, quoiqu’elle ne concerne ni l’Italie, ni même Marseille. Mais elle touche à une question qui intéresse les esprits élevés de tout pays. Écoutez-la donc avec soin ; c’est mon Bavarois qui parle :

« Je suis natif de Niguenau, ville de douze mille âmes, située à soixante milles de Munich, et chef-lieu de la province. On peut dire que mes concitoyens sont riches ; ils ont fait fortune en fabriquant des tissus de coton et des poupées de porcelaine. Leur plus grand plaisir est de manger des saucisses en buvant la bière du pays, qui est excellente ; ils ne savent rien de meilleur ni de plus digne d’un homme civilisé que la bière et les saucisses. Cependant, comme les beaux-arts sont à la mode en Bavière depuis un certain nombre d’années, et comme on s’en occupe activement à Munich, les notables de Niguenau, pour tenir leur rang dans le royaume, consacraient tous les ans quelques milliers de florins à la culture des arts. Ils entretenaient un architecte assermenté, chargé de réparer les édifices municipaux et de les repeindre en rouge. Ils avaient un musée composé au hasard, mais le hasard a quelquefois la main heureuse. Enfin ils nourrissaient tant bien que mal un professeur de peinture. Le professeur, le conservateur et l’architecte étaient trois enfants du pays, conformément à ce principe municipal : « Ne donnez pas à un étranger l’argent de la commune. » Ces trois personnages touchaient leur traitement chez le bourgmestre et par conséquent obéissaient à lui seul. Or le bourgmestre était un excellent homme, un médecin très habile et un des particuliers les plus spirituels de