Page:About - Rome contemporaine.djvu/92

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bonne main qui composent l’incertain de ses revenus. Un cocher ne vous mène pas pour les quarante sous de la course, mais pour les cinq ou six sous de pourboire qu’il n’est pas certain d’obtenir. Qu’est-ce que la loterie, sinon le temple de l’incertain ? Lorsqu’on m’aborde dans les rues de Rome, je suis presque toujours dans le cas de répondre comme Ésope : Je ne sais pas où je vais. Cependant, je ne manque jamais le Ghetto, parce que je le sens de loin.


Avant de m’engager dans ses rues et dans ses odeurs, j’ai pris soin de déjeuner. C’est une opération qui n’est pas facile à Rome, faute de restaurants. Il y a bien les tables d’hôte des grands hôtels et trois confiseurs qui donnent à manger lorsqu’il leur plaît, mais tout cela demeure autour de la place d’Espagne, et nous en sommes loin. « Parbleu, fis-je en moi-même, puisque je suis dans la plèbe jusqu’au cou, je déjeunerai à la plébéienne, et la première boutique de friture sera mon restaurant. » J’eus bientôt trouvé l’affaire. Au détour de la rue, une grande boutique en plein air offrait à mon choix dix montagnes dorées dans de grands plats de cuivre étamé, couverts d’inscriptions gothiques. La poêle énorme bouillonnait à deux pas ; la marchandise était chaude et croquante. Je pris un petit pain à la boulangerie voisine, un verre de limonade à la fontaine la plus proche des poissons frits, des artichauts frits et des beignets frits me composèrent un repas divin. Jamais peut-être je n’ai mieux déjeuné à Rome, parce que la friture se fait dans l’huile, sans aucun