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toriques de toutes sortes de faits sociaux, en n’importe quelle d’entre elles. Nous pouvons toujours retrouver le corrélatif économique des processus religieux, moraux, politiques, et de même inversement. Les mêmes contradictions qui sont inhérentes à la proposition des sociologues du XVIIIe siècle, qui voyaient dans l’ordre politique la cause principale de tous les phénomènes sociaux, à savoir que les mœurs et les idées sont le résultat de l’ordre politique, tandis que ce même ordre politique doit être, à son tour, le résultat de certaines idées et mœurs, les deux propositions étant également justifiées, ces mêmes contradictions se retrouvent lorsqu’on attribue à n’importe quel côté de la vie sociale un rôle exceptionnellement privilégié. La forme de la production des tenures censives a produit les lois féodales et le régime décentraliste, vassal, formant des idées et des mœurs correspondantes. Mais il est également vrai que les conditions politiques d’alors, les mœurs et la religiosité, imprimant à l’esprit humain un cachet particulier, le tenant dans certaines entraves, influençaient par cela même les facultés productives et les besoins culturels, qui partout et toujours conditionnent nécessairement l’état donné de la technique sociale et la forme de la production qui lui correspond ; car ni la tenure censive ni la production corporative ne pourraient exister avec la technique et la culture capitalistes. De même on peut affirmer que la décentralisation politique du féodalisme résultait de l’économie naturelle ; un fief, étant une unité économique se suffisant à elle-même, n’avait pas besoin d’une politique nationale et d’un état centralisé. Mais ce même fait de la décentralisation politique doit aussi être considéré comme une des principales causes de la durée de l’économie naturelle, car il a été un des plus importants obstacles au développement du commerce. La disparition de l’économie naturelle, l’avènement du féodalisme monétaire, des grandes fermes seigneuriales à corvée, de la séparation entre la ville et la campagne, etc. transforment d’une manière radicale les mœurs et les idées du moyen-âge ; or, parmi ses causes, à la place principale, il y a les croisades, c’est-à-dire le résultat direct de toute l’idéologie féodale.

Conformément donc à la nature des phénomènes sociaux, qui unissent en eux les éléments hétérogènes de la vie humaine, la dialectique de l’histoire ne recherchera pas la négation d’un phénomène économique donné exclusivement dans son contenu économique, la négation d’un phénomène moral dans son contenu moral, mais, arrachant le voile de son apparente homogénéité formelle, le concevant dans son unique réalité de devenir continuel, elle montrera dans son