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synthétique ; quand je sens quelque chose, alors dans ce fait, en apparence simple, se recèlent les sensations hétérogènes et entièrement différentes de la mienne, de milliers de petits êtres, en lesquels se décompose en réalité tout état de ma conscience. Dans les profondeurs de ma pensée se dissimule, imperceptible pour moi, la vie d’une grande agglomération de ces êtres élémentaires, et ce que je crois apercevoir comme étant ma représentation, mon propre état psychique, n’est pas ce que j’aperçois réellement, ce qui constitue le vrai contenu du moment donné de l’âme, pas encore transformé synthétiquement pour notre usage ; tout comme les couleurs ou les sons ne sont en réalité que des vibrations de l’éther ou de l’air avec certaines propriétés quantitatives, comme les combinaisons organiques de qualités hétérogènes ne sont que des systèmes quantitativement différents de quelques atomes, comme les acides et les sels, en apparence homogènes, constituent néanmoins une complexité d’éléments de nature différente. En sorte que, le monde des faits psychiques, le monde de notre expérience intérieure, devient un monde d’illusions, non seulement par rapport à l’inconnaissable « chose en soi », mais aussi, par rapport à cette réalité phénoménale élémentaire qui, se dissimulant tout à fait à notre pensée et sensation, dans des êtres infiniments petits, couverte d’un mystère impénétrable d’une conscience spécifique, propre à eux seuls, constitue néanmoins le contenu essentiel de notre vie spirituelle. Notre expérience intérieure ne concerne donc point les phénomènes vrais, mais leur apparence synthétique ; le phénomène, loin d’être un objet, un générateur de notre pensée, une existence conçue dans notre conscience, est un être mystique, inaccessible à notre observation immédiate, étranger à notre intuition ; en sorte que finalement s’efface toute limite entre la réalité expérimentale et la métaphysique de teinte mystique.

Les mêmes erreurs de critique philosophique se retrouvent dans l’hypothèse de la « conscience sociale » ; là, on a cherché la compréhension des faits vitaux dans les consciences infinitésimales, ici par contre, dans la conscience supra-humaine. La conception même de la « conscience sociale » est de naissance illégitime. Nous la formons à l’aide d’une analogie empruntée à notre conscience individuelle, se basant sur ce fait que les phénomènes sociaux, quoique d’une nature psychique, et pouvant s’exprimer seulement dans les termes psychologiques, s’opposent néanmoins aux états de notre âme ; on ne peut, par conséquent, les considérer comme produits individuels, ni