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sociale, » utilisant notre conscience pour la construction d’un nouveau concept, l’oblige donc à transformer la conscience, cette langue universelle qui ne peut être exprimée par rien, parce qu’elle seule exprime tout, à la transformer en quelque chose de tout à fait différent, en un certain objet de la pensée, en une chose connaissable, accessible à l’analyse, pourvue du caractère de phénomène. La nouvelle conception produite de cette manière, est d’avance condamnée à une complète incapacité d’élucider les faits. — Comment, en effet, réconcilier cette conscience, distincte de la nôtre, d’une nature synthétique, dans laquelle naissent et par laquelle existent les phénomènes sociaux, avec le principal attribut de ces phénomènes : leur manifestation intellectuelle, leur existence pour nous ? Comment les phénomènes sociaux étrangers à notre conscience, comme ayant leur siège dans une conscience plus élevée, synthétique, sont-ils néanmoins accessibles à notre intuition et connaissance, et entrent-ils d’une manière si intime dans notre vie, se soumettant à notre action et réagissant sur nous, alors que, selon la critique philosophique, tout ce qui demeure hors de notre conscience, dans la région métaphysique, ne peut avoir aucune valeur positive d’existence ? — Voilà la question insoluble, analogue à celles qui tourmentaient les scholastiques et les théologiens, discutant les « substances » de la matière, de l’âme et de Dieu, et à laquelle cependant l’hypothèse de la « conscience sociale » doit nécessairement conduire. — Le monde social, si réellement, comme l’exige l’hypothèse discutée, une autre substance, plus élevée, constituait son substrat, si une conscience surhumaine, provenant de la synthèse des nôtres, et non pas la nôtre, était la raison suffisante de son existence, le monde social, par cela même, devrait demeurer tout à fait inaccessible pour nous, comme transporté dans la sphère métaphysique des êtres délivrés de notre pensée, et ne serait donc pas le même, que nous apercevons dans notre vie comme étant social, ne serait pas ce monde social auquel nous heurtant dans notre expérience de tous les jours, nous nous sentons comme chez nous ; entre nous et lui s’étendrait le même abîme, qui nous sépare de la « chose en soi », se dissimulant derrière les phénomènes. — Quand nous nous permettons donc de créer un tel monde ultra phénoménal, nous manquons en même temps le but même, pour lequel ce luxe de notre imagination a été accompli, but, qui est l’explication des faits réels d’une certaine catégorie, des faits de notre propre vie, rentrant dans notre expérience. L’hypothèse discutée manque ce but entièrement. Enlevant l’objet de l’étude hors de