Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/214

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précédé dans ce monde sont supérieurs à leurs élèves. Mais des Boufflers, des Berwick, des Vendôme, des Catinat, des Villars ont commandé ses armées ; et, en définitive, ce n’est point à la générosité de ses ennemis qu’il a dû l’accomplissement du dernier rêve de sa politique de famille.

Je vous avouerai cependant, et vous ne vous en plaindrez pas, que j’ai pris plaisir à la critique ingénieuse que vous avez faite de sa vie intérieure. J’ai souri, je m’en accuse, à le voir s’assujettir à toutes ces gênes qu’il imposait aux autres, à compter avec vous toutes les petitesses dont se composait sa grandeur intime, et j’en ai conclu que, si le rôle de courtisan était le pire des métiers, celui de roi n’était pas le plus amusant de tous. Ce tableau se ressent un peu de vos longs entretiens avec Saint-Simon. Cette étude vous a porté bonheur. Vous y parlez souvent sa langue ; et ce bonheur vous suit dans vos réflexions sur le trop long règne de Louis XV. Ce règne ne devait pas vous réconcilier avec l’absolutisme. Mais n’avez-vous pas été trop loin en écrivant deux fois que le dix-huitième siècle avait été sans vertus, sans génie et presque sans courage ? Je conviens que les vertus y ont été fort rares. Mais le courage ! je citerais bien des champs de bataille qui vous donneraient un éclatant démenti. Quant au génie littéraire, permettez-moi d’en trouver un peu dans les comédies du Glorieux, du Philosophe marié, de la Métromanie, dans les œuvres de Montesquieu, de Jean-Jacques, de Buffon, de d’Alembert, de Beaumarchais et de ce malheureux Voltaire que vous poursuivez avec une ardeur impitoyable.

Vous êtes un trop fervent catholique pour ne pas lui en vouloir ; mais ne pouviez-vous pas faire pour lui ce que