Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/393

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’en conçoit point d’autre ; elle trouve cela tout simple et croit n’en avoir jamais fait assez.

Le mariage, un petit commerce qu’elle tenait, qu’elle tient encore (celui de grènetière), ne l’ont pas détournée un seul instant de sa voie ; elle eut des devoirs et des difficultés de plus : voilà tout.

Au moment des révolutions, le soir des journées sanglantes, elle allait, inaperçue, ramassant les blessés des divers partis et les cachant dans son magasin à paille. La charité ne connaît pas de drapeau. Les faits particuliers qui nous sont attestés et qui nous donnent la mesure de son zèle au bien ne sauraient se reproduire ici : enfants nouveau-nés, trouvés sous des portes cochères, et qu’on porte d’abord à Mme Navier ; — jeunes filles de dix ans, abandonnées par d’indignes parents, qu’elle recueille, qu’elle instruit, qu’elle ne laisse qu’après les avoir mises en lieu sûr ; — quelquefois des familles entières qu’elle entreprend de sauver de la détresse, et dont elle place les différents membres ; — des orphelins même qu’on lui envoie de province, comme si ce gouffre de Paris ne lui suffisait pas : — on admire, rien qu’à y jeter les yeux et à l’entrevoir un moment, cette série d’œuvres continuelles et cachées, ce courant salutaire et pur à côté d’autres qui le sont moins ou qui sont tout à fait contraires : c’est ainsi, selon une juste remarque, qu’au sein des sociétés humaines, subsiste et se renouvelle incessamment cette dose de bien nécessaire à l’équilibre moral du monde.

De tels actes, une telle activité bienfaisante et, pour tout dire, une telle agence de charité instituée et gouvernée pendant des années par une simple particulière, n’ont pas été sans attirer les regards des supérieurs dans l’ordre spirituel.