Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/661

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D’accord ; j’ai vu porter aux voûtes éthérées
Des œuvres qu’en six mois le temps a dévorées.
Je sais quelles horreurs, quelles absurdités
Fait créer et souffrir l’amour des nouveautés,
Quels sots déifia la camaraderie,
Quels talents fit tomber l’esprit de coterie,
Quels arrêts, dégoûtants d’injustice et d’erreur,
A rendus des partis la haine ou la faveur.

Le grand siècle lui-même eut ses jours de sottise.
Athalie en son temps fut à peine comprise,
Comme Britannicus, Alceste abandonné,
Racine fut proscrit et Pradon couronné,
Et l’hôtel Rambouillet, juge de la querelle,
A sifflé Polyeucte et prôné la Pucelle.
Quelque temps qu’on observe, à peine compte-t-on
Cinquante hommes de goût par génération.
Mais dans aucun pays, jamais, je le confesse,
Sous tant d’absurdités n’avait gémi la presse.
Jamais tant de papier barbouillé dans Paris
N’offrit à l’amateur si peu de bons écrits.



Ce faux, ce mauvais goût, à qui je fais la guerre,
Je le trouve partout, aux loges, au parterre,
Sous la toge, la blouse et le manteau de cour,
Chez les puissants d’hier et les puissants du jour.
Les journaux, dont la tâche est d’en purger la terre,
Ont cent fois d’un Cotin fait un rival d’Homère ;