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DISCOURS DE RÉCEPTION

pays, et si, à ce point de vue, elle n’était pas susceptible, dans un régime sagement pondéré, de rendre des services encore plus signalés à la société française.

L’homme d’esprit, dont le public admirait la verve, formulait sur les conditions du gouvernement des pensées tout à fait dignes d’un homme d’État. À l’époque des candidatures officielles, il avait la sagesse de dire : « Pourquoi ne sentons-nous pas sous nos pieds un terrain solide ? C’est que, depuis l’écroulement du droit divin, l’ordre ne peut se fonder que sur le consentement des hommes, c’est-à-dire sur le principe de la souveraineté nationale ; or, la souveraineté nationale n’a que deux manières de fonctionner : le choix d’une forme de gouvernement et la participation du pays par ses représentants aux actes du gouvernement choisi. Et si les représentants du pays ne le représentent pas, que devient la seconde et peut-être la plus importante fonction de la souveraineté nationale ? Une fiction aussi dangereuse pour le pays que pour le pouvoir ; et notre seule base possible reste à l’état de sable mouvant toujours prêt à s’effondrer aux moindres piétinements de la liberté. » Ces paroles, imprimées avant les agitations de 1869, étaient prophétiques. Il les accentuait encore : « La ligne la plus courte d’un gouvernement à une révolution, c’est une majorité sans lien avec le pays : elle ne fait illusion qu’au pouvoir ; elle lui dissimule la divergence croissante entre l’opinion et lui ; elle le confirme dans la fausse route et le rassure jusqu’au bord du fossé, aussi incapable alors de le soutenir qu’elle l’a été de l’éclairer. — Les révolutions ne sont que des malentendus : il n’est pas un souverain assez ennemi de