Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/340

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préter les signes équivoques de sa présence, être toujours en garde contre les conclusions hâtives et les apparences si facilement décevantes. Il faut de l’imagination, plus peut-être que pour concevoir les hypothèses ; il faut même des inspirations subites. La vie scientifique de Pasteur abonde en inspirations de ce genre, dont le récit fait parfois sourire comme le conte fameux de l’œuf de Colomb. Pourquoi, se demandait-il au cours de ses expériences sur le charbon, les poules résistent-elles toujours aux inoculations charbonneuses les plus virulentes, à celles qui tuent rapidement des animaux vingt fois plus gros ? L’idée lui vint tout à coup que la température élevée du corps des oiseaux pouvait être un obstacle à la multiplication des parasites infectieux. Aussitôt, devant ses préparateurs qui le regardaient faire avec surprise, il prend une poule, l’inocule comme il avait vainement fait tant d’autres, et lui fait maintenir les pattes dans l’eau froide, de façon à abaisser sa température de quatre ou cinq degrés. Quelques heures après, la poule mourait infestée de bactéridies, et la théorie parasitaire comptait une éclatante victoire de plus. La solution, une fois trouvée, paraît d’une simplicité enfantine ; mais il n’y a que le génie qui ait de ces simplicités.

L’humanité demande à la science la satisfaction de deux besoins, sentis surtout l’un par l’élite, l’autre par la masse ; elle classe les savants d’après ce qu’ils ont fait pour répondre à l’un ou à l’autre. Elle veut connaître de plus en plus et comprendre de mieux en mieux l’univers dont elle fait partie ; elle veut jouir, sur la planète qu’elle habite, du plus de vie, de bien-être et de sécurité possible. Des deux voies où marche la science, quelle est la plus haute,