Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/115

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reconnut la duchesse. Un sourire doux et triste éclaira son visage.

– C’était vous ? dit-il.

– C’est une amie que vous n’appeliez pas et qui veillait sur vous, répondit la duchesse. Mais ne me questionnez pas encore. J’ai ordre de vous imposer silence. Obéissez.

La duchesse appuya un doigt sur sa bouche et força doucement le soldat à se recoucher. Mais elle-même la première oublia la consigne qu’elle s’était chargée de faire exécuter.

– Vous l’aimez donc bien, cette Suzanne ? reprit-elle avec un léger tremblement dans la voix.

Une rougeur subite courut sur les joues de Belle-Rose.

– L’ai-je nommée ? s’écria-t-il. Oh ! madame, pardonnez à mon délire.

– Eh ! monsieur, ce ne sont point des excuses que je vous demande, c’est un aveu.

Avec la colère, la sonorité de la voix était revenue. L’éclair brillait dans les yeux de la duchesse, ses narines frémissaient. Belle-Rose, à demi soulevé sur son coude, la regarda une minute ; calme et serein devant cette colère mal contenue, il redressa fièrement sa tête chargée des ombres de la souffrance, et avec la simplicité du chrétien confessant sa foi, il reprit :

– Oui, madame, je l’aime.

Les yeux de la duchesse s’abaissèrent sous le regard de Belle-Rose ; elle laissa tomber sa tête sur sa poitrine, et si la douteuse clarté de la chambre avait permis au jeune blessé de lire sur ce beau visage incliné, il aurait pu voir, des paupières à demi closes, glisser sur la joue une larme comme une goutte de rosée sur du marbre poli.

– Est-ce votre fiancée ? reprit-elle d’une voix si faible qu’elle passa comme un murmure entre l’albâtre rose de ses lèvres.

– Non, dit Belle-Rose tristement, c’est une amie que j’ai perdue.