Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/130

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Camille entra. Du premier regard la camériste intime comprit que sa maîtresse venait de recevoir quelque terrible nouvelle ; la lettre froissée était dans sa main.

– Depuis quand, dites, avez-vous reçu cette lettre ? s’écria Mme de Châteaufort.

Camille montra d’un coup d’œil la porte aux suivantes de la duchesse ; toutes sortirent.

– Hier, madame, répondit-elle, hier matin.

– Et c’est aujourd’hui seulement que je l’ai !

– Je vous l’ai présentée deux fois, et deux fois vous m’avez repoussée.

– Ne pouvais-tu pas me contraindre à l’ouvrir ?

– Eh ! madame ! il était là ! s’écria Camille en montrant avec un geste d’une éloquence inexprimable Belle-Rose qui passait dans le jardin.

– Tu ne sais pas, reprit Mme de Châteaufort d’une voix étouffée et la main appuyée sur le bras de Camille, tu ne sais pas : cette lettre est de lui ; elle est datée d’hier ; hier il a dû m’attendre, et il a juré par le nom de sa mère que s’il ne me voyait pas, il viendrait jusqu’ici. Il ne m’a pas vue, Camille !

Camille secoua la tête.

– Alors il viendra, madame, et s’il vient, s’il vient, vous êtes perdue ! monsieur le duc…

– Eh ! que m’importe monsieur le duc, mon mari ! c’est de Belle-Rose qu’il s’agit, Belle-Rose ne m’aimerait plus !

Camille regarda sa maîtresse ; à ce cri, à l’expression de ce visage blanc où flamboyaient deux yeux pleins d’éclairs, il n’y avait pas à se méprendre : un amour sans bornes, indomptable, impérieux, était entré dans le cœur de Mme de Châteaufort.

– La voiture était attelée, dit timidement une suivante en entr’ouvrant la porte.

Mme de Châteaufort battit des mains comme un enfant, et prenant à la hâte un loup et sa mante, elle entraîna Camille.