Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/186

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– Moi !

– Oui, vous !

– M. Belle-Rose, prenez garde ! dit le duc pâlissant.

– Oh ! je ne crains rien pour moi ! Le bon droit me défend comme votre justice défendrait M. de Nancrais. On ne tue pas un brave officier parce qu’il a eu du sang dans les veines.

– Morbleu !

– Eh ! monseigneur, si vous aviez été à sa place, peut-être en auriez-vous fait autant !

À cette brusque repartie, le duc de Luxembourg ne put s’empêcher de sourire.

– Soit, dit-il, mais s’il était à la mienne, il ferait comme moi !

Belle-Rose continua :

– Une bande de pillards insulte le drapeau français, un capitaine du roi est là, et il ne tirerait pas son épée pour châtier des insolents ! Mais c’est tout bonnement impossible ! On porte l’épaulette, que diable ! L’incendie dévore un village, l’odeur de la poudre monte à la tête, un cheval piaffe, un coup d’éperon est bien vite donné, et l’on part, non pas tant parce qu’on l’a voulu, mais parce qu’on est homme. Alors, qu’arrive-t-il ? L’ennemi tourne bride, on le poursuit le fer dans le dos, on tue à droite et à gauche, on tombe pêle-mêle sur une redoute qu’on enlève d’assaut, on plante le drapeau blanc sur le rempart, on crie : Vive le roi ! on s’embrasse, et au retour, au lieu d’une récompense, c’est une balle de mousquet qui vous attend ! Mais vous-même, monseigneur, qui condamnez si vite et si bien les gens, on connaît de vos prouesses ! Vous auriez passé vingt rivières, massacré dix mille Espagnols, pris trente redoutes ! Voilà ce que vous auriez fait, tout duc et pair de France que vous êtes, et ce que j’aurais fait, moi qui ne suis qu’un pauvre lieutenant !

– Eh bien, on nous aurait fusillés tous deux, reprit le général.