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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/221

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comme de sombres rêves, et la nuit je pleurais. Mes pensées allaient de Gaston à don Pèdre, – c’était le nom de mon parent ; – et je dois bien vous l’avouer, mes sympathies et mes regrets étaient à celui qui n’était plus. Il m’avait aimée et consolée ; l’autre m’avait perdue ! Il arriva un soir que le nom de M. d’Assonville fut prononcé par un gentilhomme qui était en visite chez nous. À ce nom, mon père fit éclater une colère inattendue, et j’appris que M. de La Noue avait été battu et blessé dans une rencontre avec le père de Gaston. M. de La Noue avait été humilié dans son orgueil de soldat ; la plaie était incurable. Mon avenir se voilait de plus en plus ; je ne voulais pas y penser et j’y rêvais toujours ; j’avais des heures de gaieté folle et des jours de morne désespoir. La douleur usait mon amour. Sur ces entrefaites, la cour et le parlement venaient de conclure leur alliance, et mon père m’apprit qu’il avait résolu de me marier avec un riche seigneur du parti du roi, et que je devais me tenir prête. Il me dit cela au moment de partir et le pied sur l’étrier. Quand je revins de ma surprise, M. de La Noue galopait à un quart de lieue. Cependant M. d’Assonville me fit savoir son retour, et cette nuit même je le revis au petit pavillon. À la nouvelle que j’allais être mère, il fit éclater une joie si vive, que ma tendresse se réveilla. Il m’embrassait les mains et pleurait d’ivresse à mes genoux.

– Ainsi, vous m’aimez toujours ? me dit-il.

– Oui, répondis-je, et j’étais franche alors.

– Et pendant cette longue absence que mon devoir m’a imposée, aucun autre n’a rien surpris de votre cœur ? ajouta-t-il.

– Que voulez-vous dire ? repris-je étonnée. N’ai-je pas toujours été seule ? Un instant j’ai eu près de moi un ami, un frère ; il a été bon, tendre, affectueux pour moi, il m’a consolée, et il est mort.

– Me pardonnerez-vous, Geneviève ? me dit tout à coup Gaston.