Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/233

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du cheval qui battaient la surface du marais dans les convulsions de l’agonie ; les mains de Conrad se roidissaient cramponnées à la selle ; un élan furieux lui fit soulever la tête au-dessus du lit d’herbes qui l’étouffait. – À moi ! cria-t-il d’une voix haletante ; mais le cheval s’enfonça, et le Lorrain disparut sous l’eau. Toute cette scène s’était passée en une minute ; au moment où les deux coups de pistolet retentissaient, une troupe de cavaliers parut sur la lisière du bois. À sa tête marchait M. de Villebrais. La Déroute regarda derrière lui ; trois ou quatre hommes gardaient le sentier : décidément Belle-Rose et lui étaient cernés. Il y avait du côté opposé au bois un grand rocher dans lequel s’ouvrait une baie. Belle-Rose y poussa son cheval rapidement, et sûr de n’être pas enveloppé, il fit face à l’ennemi. La Déroute était déjà à son côté, l’épée et le pistolet au poing. M. de Villebrais rallia sa troupe et s’avança vers le rocher. Il y avait une douzaine de cavaliers derrière lui rangés en demi-cercle. Il marchait lentement, comme un homme qui ne craint pas que sa proie lui échappe, l’épée au fourreau, le pistolet dans les fontes, l’œil sur Belle-Rose.

– Hier, c’était votre tour ; c’est aujourd’hui le mien, lui cria-t-il ; je prends ma revanche.

– Vous la volez ! répondit Belle-Rose, qui s’apprêtait à vendre chèrement sa vie.

– Soit ! dit M. de Villebrais ; je ne chicanerai pas sur les termes. Je l’ai ; le reste m’importe peu.

Comme il parlait, on entendit le bruit lointain d’un galop rouler comme un tonnerre sur le sentier. Belle-Rose et M. de Villebrais regardèrent du côté d’où venait le bruit. Une troupe de cavaliers arrivait à bride abattue, guidée par une femme qu’emportait un cheval blanc. M. de Villebrais reconnut Mme de Châteaufort. Il pâlit et tira son épée.

– À nous ceux-ci ! s’écria-t-il en montrant Belle-Rose et la Déroute ; à vous ceux-là ! reprit-il en s’adressant