Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/249

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En achevant ces mots, Mme de Châteaufort se leva. Toute espérance était bannie de son cœur. Elle s’approcha de Belle-Rose, la pâleur d’une morte sur le front et le sourire aux lèvres, et lui tendit la main. Belle-Rose, sans lui répondre, la prit entre les siennes.

– Ainsi, reprit-elle, je serai votre amie, rien de plus, rien de moins, une amie absente à laquelle vous penserez quelquefois sans amertume ?

– Une amie dont je ferai bénir le nom par les lèvres d’un enfant, répondit Belle-Rose.

Le visage de Geneviève rayonna d’une joie pure. Elle se haussa sur la pointe des pieds, attira à elle la tête de Belle-Rose et l’embrassa chastement comme une sœur embrasse son frère.

– Voilà une parole que j’emporte dans mon cœur, dit-elle, et qui me consolera quand je serai seule. Adieu, mon ami, puissiez-vous trouver quelque jour le bonheur que j’aurais voulu vous donner !… Une autre sera plus heureuse ; vous penserez à moi dans votre joie, et je prierai pour vous deux dans ma tristesse. C’est une nouvelle vie que je commence, je la commence avec le repentir.

Belle-Rose retint quelques minutes Geneviève sur son cœur, puis, sentant les larmes le gagner, il s’arracha de ses bras, colla ses lèvres une dernière fois au front de la pauvre délaissée, et s’élança hors de l’appartement. Un instant après, il s’éloignait avec Pierre. Au premier coude que faisait le sentier, Belle-Rose se retourna : sur la porte d’un pavillon, une femme, qu’on reconnaissait à sa robe blanche, était agenouillée, les bras tendus vers lui ; au milieu du silence de la nuit embaumée, il entendit comme le bruit d’un sanglot qu’on cherchait à retenir. Belle-Rose frissonna de la tête aux pieds, et frappant son cheval de ses deux éperons à la fois, il se précipita comme un fou sur la route de Charleroi. Deux jours après, le camp était levé, et le 4 du mois de juin, le siège fut mis devant Tournai. Claudine